Ce site est consacré à des descriptions de travail. Le travail avec lequel on gagne sa vie, ou une autre forme de travail, parce qu’on n’a pas forcément de travail rémunéré – on l’a perdu, on a choisi de ne pas en avoir, on fait autrement...

Les descriptions sont nées de deux façons: soit leurs auteurs ont entendu parler du projet et m’ont envoyé un texte, soit je me suis rendue moi-même auprès d’eux pour solliciter leur contribution.

Je laisse parler la personne aussi longtemps qu’elle le souhaite. J’essaie de me taire. J’enregistre. Je transcris ensuite ses propos. Je lui remets le texte écrit et nous en discutons jusqu’à trouver la forme sous laquelle il apparaît sur ce site.

Ma position n’est pas celle d’un sociologue ou d’un journaliste: je n’étudie pas, je ne cherche pas la chose intéressante, je ne synthétise pas – j’écoute et je transcris en restant au plus près des propos tenus.

Christine Lapostolle

J’écris depuis longtemps. Des livres qui se situent entre témoignage et fiction – des rêveries qui prolongent le spectacle de la vie. Le spectacle vu de l’intérieur, forcément. Le spectacle dans lequel nous sommes tous bon an, mal an, impliqués.

Dans l’école d’art où j’enseigne, je m’occupe du matériau langage, j’incite les autres à écrire, à faire attention aux mots... Les écoles d’art sont des lieux où l’on peut prendre le temps de la rencontre, des lieux où l’on ne se lasse pas de chercher comment transmettre, comment regarder, comment se parler, comment faire...

Ce site est un troisième pan de ce que je cherche avec l’écriture; ici l’expression de ceux qui participent et la mienne se rejoignent, je prête ma plume à des gens qui à travers leur parole mettent à disposition leur expérience.

Le blog que j’ai tenu sous forme d’almanach tout au long de l’année 2008 est consultable ici.

J’ai aussi travaillé en duo avec Karine Lebrun à l’élaboration du site 13 mots dont l’initiative et la forme lui reviennent.

Remerciements et contact

Je remercie tous les auteurs de descriptions ainsi que ceux qui ont contribué à la réalisation de ce site et ceux qui le fréquentent.

Le design de ce site a été réalisé par Gwenaël Fradin, Alice Jauneau et David Vallance en hiver 2018.

Si vous souhaitez, vous pouvez me contacter ici ou vous inscrire à la newsletter pour être averti de la sortie de nouvelles descriptions.

Tri par:
Date
Métier
Rebecca, directrice des ressources humaines 15.09.2022
On est ici dans une entreprise de logement social – chez un bailleur social qui fait partie des plus gros bailleurs sociaux en Île-de-France – …
Liza et Michel, kiosquiers 04.02.2022
On ouvre à 9h. Dans d'autres kiosques c'est 6h du matin, ça dépend des quartiers. C'est nous qui décidons des horaires. Il y a des kiosques où …
Pascal, doreur 28.08.2021
Un métier de doreur c’est assez varié. À l’origine c’était uniquement doreur sur livres: titrage, décor des reliures. Et puis on en est venu, au …
Pascale, marathonienne 12.07.2021
Je suis enseignante dans le primaire. Je fais de la formation auprès des enseignants. Je me déplace dans les écoles. Comme j’ai un peu …
Violaine, épicière, équicière 01.02.2021
C’est une épicerie familiale qui était tenue par Angèle jusqu’à ses 85 ans. Ses parents l’avaient tenue avant elle. Quand elle est décédée, ses …
Éric, garagiste 22.12.2020
Le garage a ouvert en mars 2018. J’ai réussi à me salarier en août. Les gens réparent eux-mêmes leur véhicule et je les accompagne. Ce n’est pas …
Éric, artiste 04.05.2020
Je suis artiste et enseignant. Enseignant dans une école d’architecture. Artiste plasticien. Mon temps de travail, si on ne parle que de …
Yoann, futur ex-directeur culturel 14.04.2020
J’ai commencé à travailler pour cette structure il y a 17 ans. J’étais assez jeune, j’avais 23 ans. J’avais collaboré auparavant avec un …
Philippe, rentier homme de ménage 10.02.2020
J’exerce une curieuse profession, dont je serais bien incapable de donner le nom. Elle a un côté chic, puisque je suis propriétaire de trois …
F., Masseur bien-être 22.10.2019
Le nom du métier c’est «masseur bien-être». Il s’agit de massages à visée non thérapeutique. Le terme de thérapeutique est réservé aux …
Zéti, au marché et aux fourneaux 02.03.2019
Je travaille en tant que commerçante. Petite revendeuse pour commencer. Dans le coin. Je vends des bijoux. Des perles significatives, parce que …
Line, libraire 06.01.2019
Être libraire, c’est avoir un dos solide pour transporter les colis, tous les matins, avoir un bon cutter pour les ouvrir, les ouvrir avec …
Thomas, marin pêcheur 04.04.2016
Mon parcours. Je suis juriste de formation. Je viens d’une famille de marins. Mon père, mes grands-parents, mes arrières-grands-parents, ça …
P.L., président d’université 02.09.2015
Comment on devient président d’une université? Dès que tu entres à l’université comme enseignant-chercheur, tu consacres une partie de ton temps …
Js, maçon par intermittence 14.12.2014
Je me pose beaucoup de questions sur le monde du travail , sur ce que j’y cherche, ce que j’y trouve, sur ce qui me donnerait un peu de joie. Ça …
D., directrice d’école d’art 03.06.2014
Je n’ai pas toujours été directrice d’école d’art. Il y a des directeurs qui ont été prof. Artistes, de moins en moins, il doit en rester un ou …
Barbara, scénariste 08.02.2014
J’écris des films et des séries pour la télévision . Au fond, j’entre dans la maison des gens pour leur raconter une histoire. Pour moi, dans …
P., médecin spécialisée VIH 11.11.2013
Le métier de médecin, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. Même si j’ai autrefois pensé à faire de l’ethnologie – c’était plus …
Julie, hôtesse de l’air 02.08.2013
Mon premier vol. C’était en décembre, il y a presque douze ans. Je travaillais pour la compagnie Star Airlines . Nous étions une centaine de …
Arthur, vie extérieure 17.06.2013
Je ne dirais pas travail. Pas occupation. Je dirais que je n’ai pas d’occupation. Mais beaucoup de... de préoccupations. C’est avant …
Michel, psychanalyste 21.02.2013
Préambule. Longtemps, j’ai eu quelques difficultés pour répondre à la sempiternelle question: – Vous êtes psychanalyste, quel métier …
Annie, chercheur(e) 16.09.2012
Chercheur(e) – Je n’arrive pas encore à habituer mon œil à ce (e). Bien que, dans mon métier et dans ma vie, je revendique ce qu’il signifie: …
Benoit, pianiste 26.05.2011
Ça va faire dix ans cet été. Je vivais au Havre. J’étais marié, j’avais deux enfants, ils avaient sept et dix ans et on a acheté une maison ici, …
Françoise, houspilleuse locale 17.02.2011
Depuis que je ne travaille plus au journal , évidemment mes journées sont moins structurées qu’auparavant. Apparemment. Ce qu’il y a de …
Jean, maire 21.11.2010
Au quotidien, dans une petite commune comme la nôtre,  on a la chance d’avoir  un secrétariat de mairie ouvert six jours sur …
Mathilde, institutrice 19.08.2010
Travailler avec des petits Depuis quelques années, je fais classe toujours au même niveau: à des CE1, qui ont 7 ans. C’est un âge que j’aime …
M et L, facteurs 20.03.2010
Devenir facteur J’ai donné la parole à deux facteurs de mon village qui ont souhaité participer ensemble à la conversation. M. est toujours en …
Jean-Yves, éleveur de chèvres 06.02.2010
Les chèvres , je vais les voir plusieurs fois par jour, je suis obligé. Parce que des fois elles se sauvent malgré la clôture. J’ai 22 chèvres …
Marylou, auxiliaire de vie 17.12.2009
C’est très  difficile à raconter . Je fais des gardes de nuit à domicile. Je dors chez les personnes. Ce sont des personnes qui ne peuvent …
Sylvie, chanteuse russe 24.08.2009
J’aimais beaucoup les  contes russes  quand j’étais petite, mais comme il n’y avait pas de russe à l’école, je n’ai pas eu l’occasion …
Marijka, cinéaste 14.05.2009
Mon travail consiste à imaginer des histoires et à les réaliser en images et en sons. Il y a plusieurs temps très différents dans ma vie …
Jean, professeur de philosophie 30.01.2009
J’enseigne dans un lycée, à Montpellier. J’ai 43 ans et 14 années d’enseignement. Travail Il s’agit de  donner des instruments de travail …
L’activité de kinésithérapeute 20.08.2008
Le centre est un établissement privé, de 80 lits dits «de suites et de rééducation». Il fonctionne avec un prix de journée assez bas par rapport …
Les tourments d’une lycéenne 07.07.2008
De la difficulté de s’orienter… des couloirs du lycée au couloir de la faculté. Paris, premier septembre 2006: C’est la rentrée des classes, …
Martine, muséographe 17.03.2008
Mon métier c’est  exposer . Une histoire, une collection, un morceau de territoire, un thème, même. Je m’occupe des contenus d’une …
Éric, potier 15.01.2008
(Nous habitons le même village, nous nous voyons presque tous les jours. Nous nous sommes servis d’un magnétophone…) C’est un travail qui …
Je travaille dans une chaîne de cafés 03.10.2007
Recherche de la définition d’une «non-situation» (pour qu’elle en devienne une) d’une étudiante en philosophie, étrangère, qui travaille dans …
Christine, prof d’histoire de l’Art 20.06.2007
Tentative de description de la situation de professeur d’histoire de l’art dans une école des Beaux-Arts J’enseigne dans une école des …
Un quotidien 13.03.2007
J’ai deux métiers!! Par chance(?), je travaille à la maison. Le matin, après avoir conduit mon époux au travail, j’allume mon ordinateur …
Virginie, graphiste 02.11.2006
Je suis  graphiste – je fais aussi de la direction artistique. J’ai 39 ans. Je vis à Paris. Je travaille depuis 1991, soit 15 ans.  …
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Annie, chercheur(e)16.09.2012

Chercheur(e) – Je n’arrive pas encore à habituer mon œil à ce (e). Bien que, dans mon métier et dans ma vie, je revendique ce qu’il signifie: une place reconnue pour ses valeurs avec ses différences, celle de la femme. Place qui me semblait tout à fait naturelle lors de mes études et qui ne m’a posé aucun problème d’égalité mais qui est devenue plus chère à conserver en devenant mère – maman; cela devient presque un acte (pour ne pas dire un combat) quotidien.

Chercheur(e) – Alors, chaque jour c’est se poser des questions sur ce que l’on aimerait comprendre. Et puis ensuite, pratiquement, se demander comment, avec quelles techniques, on peut répondre, quelles images de la réalité vont donner ces techniques, avec qui collaborer pour réfléchir ensemble et différemment, pour concrétiser ensemble ce que l’on «aimerait» comprendre, ou bien ce que l’on devrait comprendre.

Je travaille en écologie marine, il s’agit de comprendre comment fonctionne le milieu marin, des algues microscopiques (appelées aussi phytoplancton) aux poissons, et comment ce milieu marin réagit au jour le jour, d’année en année et sur encore plus longtemps avec ce qui l’entoure, le climat et l’homme.

Le désir de comprendre un des maillons de ce puzzle c’est aussi un engagement – comme pour un médecin qui cherche les causes d’une manifestation clinique – car peu de parcelles de l’océan aujourd’hui ne sont pas atteintes par l’homme, directement ou indirectement. Comprendre pour attester ou pas de la gravité, pour trouver quelles solutions l’océan a mis en place en réaction, pour imaginer comment l’homme pourrait dévier sa pression sur la mer afin d’en atténuer les effets négatifs sur lui-même comme sur les algues et les animaux marins.

Chercheur(e) – C’était une suite logique à mes études, continuer à apprendre, à comprendre. À l’époque, celle de mes 20 ans, je l’opposais à un autre type de métier où tout me semblait figé.

Je ne vois plus les choses ainsi maintenant, je crois que l’on peut apprendre, innover dans son travail comme dans sa vie. Ce sentiment tient à la variété des gens qui m’entourent, non-chercheurs, et qui présentent des situations très diverses de travail avec toujours cette volonté d’élargir les horizons. Alors c’est vrai, chercheur(e) c’est un peu, comme le chante Juliette Gréco, «devenir vieux sans avoir été adulte», c’est garder cette naïveté, cette envie d’apprendre et de se dire que l’on a encore toute la vie devant soi. C’est donner aux autres cette image d’éternel étudiant oubliant les contraintes de la société, les horaires, les convenances…

Pourtant chercheur(e) au jour le jour c’est aussi avoir des contraintes. Celles qui émanent de l’autorité administrative avec laquelle il faut faire. Le chercheur, c’est l’ouvrier de l’entreprise. C’est un rôle qu’il a parfois du mal à tenir, se croyant libre de ses pensées, un rôle qu’il subit d’autant plus qu’il s’imagine loin de ce monde-là.

Travailler 60 heures par semaine, payée 38 heures, pour un chercheur, ce n’est pas chose rare et il ou elle acceptera cette situation encore plus facilement qu’il considérera son rôle de guide scientifique comme une mission.

Prendre des responsabilités, diriger une équipe, rédiger des avis d’expertises et, surtout aujourd’hui, chercher des subventions pour travailler, voilà aussi toute une partie du quotidien du chercheur que je suis après une dizaine d’années d’expérience. Ce peut être motivant mais il faut garder en ligne de mire, les raisons pour lesquelles on fait ce métier, répondre aux questions fondamentales. Parfois cela devient lourd: trop de pressions qui font que le temps et l’énergie consacrés à chercher diminuent, ou bien on dérive, la course aux subventions prend le pas sur le questionnement scientifique, et on se perd.

Selon les jours, le travail peut être très différent. Mes journées habituelles se passent dans un bureau:

  • Commencer par lire mes mails et souvent procéder à un travail de relecture d’une note de recherche envoyée par un collègue.

  • Faire de la bibliographie, c’est-à-dire rechercher les articles écrits par d’autres chercheurs du monde entier, en anglais le plus souvent, qui correspondent à mes domaines de recherche (le phytoplancton, la biodiversité, les apports des rivières…). Avant j’allais à la bibliothèque, maintenant tout se fait par ordinateur. C’est très important de lire ce qu’ont fait les autres car ça aide à réfléchir, ça donne des idées et des arguments pour ses propres idées, il y en a qui sont très forts!

  • Discuter avec mes collègues de là où on en est et préparer des sorties en mer ou des expériences en laboratoire…

  • Modéliser, là c’est ma compétence première, c’est-à-dire réduire une partie du réel à des représentations mathématiques qui vont reproduire ce qui se passe, par exemple, la croissance des algues microscopiques sous l’effet de la température de l’eau, des nitrates, des phosphates. Quand ces algues sont en très grande quantité, en vrai, elles colorent l’eau en vert, en brun ou en rouge. Mais attention, il ne faut pas seulement jouer, il faut comparer le modèle à la réalité et pour cela il faut aller mesurer en mer. C’est ce que font, dans leur domaine, tous les météorologues pour prédire le temps qu’il fera demain.

Une journée en mer, c’est beaucoup plus rare – souvent au printemps car c’est à cette période que poussent les algues – mais c’est très important si on veut observer, connaître et comprendre. Parfois, je vais à pied, sur l’estran, récolter avec précaution une bouteille d’eau, une «carotte» de sédiment, poser un appareil qui enregistre la lumière, la température, la force du vent… Parfois je vais sur un petit bateau qui ne s’éloigne pas de la côte; il m’est arrivé de rester ancrée à 50m du bord pendant 12h pour mesurer la composition de l’eau à marée montante puis descendante. Parfois, et là c’est formidable, c’est une véritable mission océanographique, comme celles qui ont fait rêver des générations d’océanographes. On part nombreux pour quelques jours et à bord, c’est tout un déploiement d’instruments pour mesurer, récolter, conserver l’eau, les algues, les animaux. Chacun est affairé, le temps est limité, et tous travaillent sans compter. C’est un partage du monde de la mer entre scientifiques et marins.

Être chercheur(e) en écologie marine, c’est cohérent avec mes pensées, ce que j’estime être de bon sens dans notre société qui me semble en manquer beaucoup. C’est rassurant: pouvoir mettre son énergie et ses convictions dans son travail en accord avec sa vie hors travail. C’est œuvrer ensemble pour progresser et non avancer pour son ego. C’est éveiller l’intérêt des étudiants, passer le décodage des grandes questions scientifiques à tout un chacun.

Mais le chercheur, la chercheure, est rarement en prise directe avec le monde des décideurs, il y a un vrai décalage, temporel, sémantique, qui se traduit en objectifs chiffrés.

Un exemple: c’est un peu, beaucoup, décevant de savoir que l’agriculture traditionnelle pollue l’eau massivement en utilisant des pesticides, des engrais et que rien ne change parce que l’évidence qui nous saute aux yeux, la cause, n’est pas prise en compte par les décideurs, parce qu’elle est niée, parfois déformée. L’évidence que le climat est modifié, que le rejet de CO2 dans l’atmosphère va s’accélérant depuis les années 80, que l’océan réagit déjà, que la température a monté visiblement sur une génération, que les espèces marines changent. Nombreux sont les chercheurs qui le clament. Qui les écoute? La parole publique n’est pas notre métier, on ne sait pas faire. Certains prennent leur bâton de pèlerin mais agir sur la politique pour notre planète c’est difficile.

Voilà, je suis chercheur(e), j’y consacre une partie de ma vie mais j’ai aussi, pour remplir mes rêves, besoin de décrocher parfois et de partir, en voyage, en bateau, en famille, plusieurs mois, pour vivre différemment, avoir une autre relation avec la mer, avec le temps, avec notre monde. Et ce sont ces allers-retours entre vie terrienne de travail et vie de voyage en mer qui m’aident aussi à réfléchir sur notre façon de vivre ici aux côtés d’autres qui vivent tellement différemment. J’ai peu écrit à la première personne dans ce texte mais il faut comprendre que sous le terme chercheur(e) c’est une vision personnelle de mon métier que je vous ai présentée ici. Je n’ai pas cherché non plus, comme je le fais dans mon travail, à faire relire ce texte par d’autres chercheurs pour approcher d’une vue objective, partagée. C’est un témoignage personnel comme, il me semble, les autres témoignages sur le travail présenté sur ce site.

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