Ce site est consacré à des descriptions de travail. Le travail avec lequel on gagne sa vie, ou une autre forme de travail, parce qu’on n’a pas forcément de travail rémunéré – on l’a perdu, on a choisi de ne pas en avoir, on fait autrement...

Les descriptions sont nées de deux façons: soit leurs auteurs ont entendu parler du projet et m’ont envoyé un texte, soit je me suis rendue moi-même auprès d’eux pour solliciter leur contribution.

Je laisse parler la personne aussi longtemps qu’elle le souhaite. J’essaie de me taire. J’enregistre. Je transcris ensuite ses propos. Je lui remets le texte écrit et nous en discutons jusqu’à trouver la forme sous laquelle il apparaît sur ce site.

Ma position n’est pas celle d’un sociologue ou d’un journaliste: je n’étudie pas, je ne cherche pas la chose intéressante, je ne synthétise pas – j’écoute et je transcris en restant au plus près des propos tenus.

Christine Lapostolle

J’écris depuis longtemps. Des livres qui se situent entre témoignage et fiction – des rêveries qui prolongent le spectacle de la vie. Le spectacle vu de l’intérieur, forcément. Le spectacle dans lequel nous sommes tous bon an, mal an, impliqués.

Dans l’école d’art où j’enseigne, je m’occupe du matériau langage, j’incite les autres à écrire, à faire attention aux mots... Les écoles d’art sont des lieux où l’on peut prendre le temps de la rencontre, des lieux où l’on ne se lasse pas de chercher comment transmettre, comment regarder, comment se parler, comment faire...

Ce site est un troisième pan de ce que je cherche avec l’écriture; ici l’expression de ceux qui participent et la mienne se rejoignent, je prête ma plume à des gens qui à travers leur parole mettent à disposition leur expérience.

Le blog que j’ai tenu sous forme d’almanach tout au long de l’année 2008 est consultable ici.

J’ai aussi travaillé en duo avec Karine Lebrun à l’élaboration du site 13 mots dont l’initiative et la forme lui reviennent.

Remerciements et contact

Je remercie tous les auteurs de descriptions ainsi que ceux qui ont contribué à la réalisation de ce site et ceux qui le fréquentent.

Le design de ce site a été réalisé par Gwenaël Fradin, Alice Jauneau et David Vallance en hiver 2018.

Si vous souhaitez, vous pouvez me contacter ici ou vous inscrire à la newsletter pour être averti de la sortie de nouvelles descriptions.

Tri par:
Date
Métier
Rebecca, directrice des ressources humaines 15.09.2022
On est ici dans une entreprise de logement social – chez un bailleur social qui fait partie des plus gros bailleurs sociaux en Île-de-France – …
Liza et Michel, kiosquiers 04.02.2022
On ouvre à 9h. Dans d'autres kiosques c'est 6h du matin, ça dépend des quartiers. C'est nous qui décidons des horaires. Il y a des kiosques où …
Pascal, doreur 28.08.2021
Un métier de doreur c’est assez varié. À l’origine c’était uniquement doreur sur livres: titrage, décor des reliures. Et puis on en est venu, au …
Pascale, marathonienne 12.07.2021
Je suis enseignante dans le primaire. Je fais de la formation auprès des enseignants. Je me déplace dans les écoles. Comme j’ai un peu …
Violaine, épicière, équicière 01.02.2021
C’est une épicerie familiale qui était tenue par Angèle jusqu’à ses 85 ans. Ses parents l’avaient tenue avant elle. Quand elle est décédée, ses …
Éric, garagiste 22.12.2020
Le garage a ouvert en mars 2018. J’ai réussi à me salarier en août. Les gens réparent eux-mêmes leur véhicule et je les accompagne. Ce n’est pas …
Éric, artiste 04.05.2020
Je suis artiste et enseignant. Enseignant dans une école d’architecture. Artiste plasticien. Mon temps de travail, si on ne parle que de …
Yoann, futur ex-directeur culturel 14.04.2020
J’ai commencé à travailler pour cette structure il y a 17 ans. J’étais assez jeune, j’avais 23 ans. J’avais collaboré auparavant avec un …
Philippe, rentier homme de ménage 10.02.2020
J’exerce une curieuse profession, dont je serais bien incapable de donner le nom. Elle a un côté chic, puisque je suis propriétaire de trois …
F., Masseur bien-être 22.10.2019
Le nom du métier c’est «masseur bien-être». Il s’agit de massages à visée non thérapeutique. Le terme de thérapeutique est réservé aux …
Zéti, au marché et aux fourneaux 02.03.2019
Je travaille en tant que commerçante. Petite revendeuse pour commencer. Dans le coin. Je vends des bijoux. Des perles significatives, parce que …
Line, libraire 06.01.2019
Être libraire, c’est avoir un dos solide pour transporter les colis, tous les matins, avoir un bon cutter pour les ouvrir, les ouvrir avec …
Thomas, marin pêcheur 04.04.2016
Mon parcours. Je suis juriste de formation. Je viens d’une famille de marins. Mon père, mes grands-parents, mes arrières-grands-parents, ça …
P.L., président d’université 02.09.2015
Comment on devient président d’une université? Dès que tu entres à l’université comme enseignant-chercheur, tu consacres une partie de ton temps …
Js, maçon par intermittence 14.12.2014
Je me pose beaucoup de questions sur le monde du travail , sur ce que j’y cherche, ce que j’y trouve, sur ce qui me donnerait un peu de joie. Ça …
D., directrice d’école d’art 03.06.2014
Je n’ai pas toujours été directrice d’école d’art. Il y a des directeurs qui ont été prof. Artistes, de moins en moins, il doit en rester un ou …
Barbara, scénariste 08.02.2014
J’écris des films et des séries pour la télévision . Au fond, j’entre dans la maison des gens pour leur raconter une histoire. Pour moi, dans …
P., médecin spécialisée VIH 11.11.2013
Le métier de médecin, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. Même si j’ai autrefois pensé à faire de l’ethnologie – c’était plus …
Julie, hôtesse de l’air 02.08.2013
Mon premier vol. C’était en décembre, il y a presque douze ans. Je travaillais pour la compagnie Star Airlines . Nous étions une centaine de …
Arthur, vie extérieure 17.06.2013
Je ne dirais pas travail. Pas occupation. Je dirais que je n’ai pas d’occupation. Mais beaucoup de... de préoccupations. C’est avant …
Michel, psychanalyste 21.02.2013
Préambule. Longtemps, j’ai eu quelques difficultés pour répondre à la sempiternelle question: – Vous êtes psychanalyste, quel métier …
Annie, chercheur(e) 16.09.2012
Chercheur(e) – Je n’arrive pas encore à habituer mon œil à ce (e). Bien que, dans mon métier et dans ma vie, je revendique ce qu’il signifie: …
Benoit, pianiste 26.05.2011
Ça va faire dix ans cet été. Je vivais au Havre. J’étais marié, j’avais deux enfants, ils avaient sept et dix ans et on a acheté une maison ici, …
Françoise, houspilleuse locale 17.02.2011
Depuis que je ne travaille plus au journal , évidemment mes journées sont moins structurées qu’auparavant. Apparemment. Ce qu’il y a de …
Jean, maire 21.11.2010
Au quotidien, dans une petite commune comme la nôtre,  on a la chance d’avoir  un secrétariat de mairie ouvert six jours sur …
Mathilde, institutrice 19.08.2010
Travailler avec des petits Depuis quelques années, je fais classe toujours au même niveau: à des CE1, qui ont 7 ans. C’est un âge que j’aime …
M et L, facteurs 20.03.2010
Devenir facteur J’ai donné la parole à deux facteurs de mon village qui ont souhaité participer ensemble à la conversation. M. est toujours en …
Jean-Yves, éleveur de chèvres 06.02.2010
Les chèvres , je vais les voir plusieurs fois par jour, je suis obligé. Parce que des fois elles se sauvent malgré la clôture. J’ai 22 chèvres …
Marylou, auxiliaire de vie 17.12.2009
C’est très  difficile à raconter . Je fais des gardes de nuit à domicile. Je dors chez les personnes. Ce sont des personnes qui ne peuvent …
Sylvie, chanteuse russe 24.08.2009
J’aimais beaucoup les  contes russes  quand j’étais petite, mais comme il n’y avait pas de russe à l’école, je n’ai pas eu l’occasion …
Marijka, cinéaste 14.05.2009
Mon travail consiste à imaginer des histoires et à les réaliser en images et en sons. Il y a plusieurs temps très différents dans ma vie …
Jean, professeur de philosophie 30.01.2009
J’enseigne dans un lycée, à Montpellier. J’ai 43 ans et 14 années d’enseignement. Travail Il s’agit de  donner des instruments de travail …
L’activité de kinésithérapeute 20.08.2008
Le centre est un établissement privé, de 80 lits dits «de suites et de rééducation». Il fonctionne avec un prix de journée assez bas par rapport …
Les tourments d’une lycéenne 07.07.2008
De la difficulté de s’orienter… des couloirs du lycée au couloir de la faculté. Paris, premier septembre 2006: C’est la rentrée des classes, …
Martine, muséographe 17.03.2008
Mon métier c’est  exposer . Une histoire, une collection, un morceau de territoire, un thème, même. Je m’occupe des contenus d’une …
Éric, potier 15.01.2008
(Nous habitons le même village, nous nous voyons presque tous les jours. Nous nous sommes servis d’un magnétophone…) C’est un travail qui …
Je travaille dans une chaîne de cafés 03.10.2007
Recherche de la définition d’une «non-situation» (pour qu’elle en devienne une) d’une étudiante en philosophie, étrangère, qui travaille dans …
Christine, prof d’histoire de l’Art 20.06.2007
Tentative de description de la situation de professeur d’histoire de l’art dans une école des Beaux-Arts J’enseigne dans une école des …
Un quotidien 13.03.2007
J’ai deux métiers!! Par chance(?), je travaille à la maison. Le matin, après avoir conduit mon époux au travail, j’allume mon ordinateur …
Virginie, graphiste 02.11.2006
Je suis  graphiste – je fais aussi de la direction artistique. J’ai 39 ans. Je vis à Paris. Je travaille depuis 1991, soit 15 ans.  …
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Jean, maire21.11.2010

Au quotidien, dans une petite commune comme la nôtre, on a la chance d’avoir un secrétariat de mairie ouvert six jours sur sept: le lundi après-midi, le mardi toute la journée, le mercredi toute la journée, toute la journée le jeudi, le vendredi, et le samedi. Moi je passe presque tous les jours. Le courrier arrive vers 10 heures. Le secrétaire de mairie l’ouvre. Je passe, on regarde ensemble. On règle les problèmes à réponse immédiate. Tous les jours tu as quelque chose: une demande de relevé d’état civil, un notaire qui cherche une information pour une vente, la préfecture qui réclame qu’on lui envoie un papier, une liste. C’est le maire qui signe. Il n’est pas obligé, mais enfin, il faut se tenir au courant de ce qui a été demandé… Tous les jours il y a quelque chose: signer pour une carte d’identité, signer un papier comme quoi quelqu’un habite bien sûr la commune, quelqu’un qui a besoin d’un papier pour son travail… Tu découvres des gens que tu n’aurais peut-être pas vus autrement. On ne peut pas connaître tout le monde. Il y a beaucoup de gens, surtout des jeunes, qui arrivent avec des CDD (contrat à durée déterminée). Ils ont trouvé à se loger chez des amis, dans la famille… Si leur CDD n’est pas reconduit, ils partent. Il y a une part des gens qui tourne. Si les gens construisent quelque chose, c’est différent. Ou s’ils se sont installés, ont racheté, rénové. Ça c’est clair. Mais les autres, ça dépend du contrat qu’ils ont. On a recours au facteur, ça fait trente ans qu’il est là, rien ne lui échappe. Si on lui met une adresse sur l’enveloppe et qu’il ne connaît pas, il va demander aux gens d’à côté… il finit toujours par avoir l’information. Quand il partira, ça posera des problèmes. On n’a pas de Poste dans la commune. Il faut aller à 7 kilomètres… Les relations avec les gens, c’est toujours intéressant. Quelquefois il y a des emmerdeurs… il y a des gens qui ne sont pas bien avec leurs voisins, il y a des histoires de passage… Avant les gens allaient trouver le maire chez lui. Moi depuis que je suis élu, ce n’est arrivé que deux ou trois fois qu’on vienne chez moi. Peut-être parce que les gens savent que c’est facile de me trouver à la mairie. Ils savent que mon bureau est assez discret, qu’on peut y parler comme on veut. Petit à petit, les gens savent quand tu es là. Puis il y a ceux qui disent, est-ce que je peux venir à telle heure? C’est vrai qu’il y a un devoir de réserve. Il y a des gens qui me disent «moi j’ai porté plainte; je viens te le dire, parce que je veux t’avertir.» J’essaie d’aller trouver la personne. Le résultat est parfois aussi efficace que la plainte à la gendarmerie. On se voit. Quelquefois on boit un coup, ça peut aider. Maire, c’est souvent une affaire d’autorité morale. Madame la maire, monsieur le maire, sont là s’il y a une cérémonie, un repas – c’est important la relation sociale…

Les partenaires. Le curé – il y a encore un curé qui habite sur la commune: la commune a transformé le presbytère en logements et l’Église a demandé qu’on garde un appartement pour un curé éventuel. Ils sont trois sur l’ensemble du canton. On a la chance d’en avoir un. Mais il n’a pas l’impact que pouvait avoir autrefois un curé entièrement affecté à la commune. L’instituteur – Mon interlocutrice c’est la présidente de l’OGEC, l’organisme qui gère l’École privée. Il ne reste qu’une école privée dans la commune. Je l’appelle, elle m’appelle. Les bâtiments sont à la charge de la commune. Mais pas les enseignants. La commune doit mettre à disposition les possibilités d’existence de l’École mais elle n’intervient pas au niveau de l’enseignement. On a une convention. On donne tant par élève et par an. Après ils se débrouillent. De la même façon, on n’a pas de problème de cantine, puisqu’on n’a pas de bâtiment communal. Ils ont demandé une aide parce qu’ils n’arrivent plus à s’en sortir. Il vaut mieux débourser un euro par élève et par repas que d’avoir tout le train-train qui va avec la cantine. On gère tout ça avec l’OGEC. Si certains ont des difficultés à payer la scolarité, on intervient. On a eu un petit problème une fois avec la cybercommune. L’ordinateur est dans une pièce, à la mairie. Des gamins sont venus avec leur dossier. Un gamin qui avait douze, treize ans, un qui en avait dix, l’autre huit. Ils sont montés là-haut. Ils sont restés jusqu’à midi. Ils sont revenus l’après-midi. Ils sont repartis à cinq heures et demie. Et là, le secrétaire s’est aperçu qu’ils étaient allés sur des sites interdits. On les a convoqués avec leurs parents: personne n’est venu. Alors on a fait une information avec l’OGEC et les enseignants. Dans tous les cartables, on a mis un courrier disant que les enfants pouvaient consulter Internet mais en présence d’un adulte. On a réglé le problème comme ça. La présidente de l’OGEC est une personne ouverte – elle a une certaine formation, elle était assistante sociale. On a fait le courrier ensemble, les enseignants étaient d’accord. On n’a cité personne, mais on a fait en sorte que les parents soient alertés. C’est pour ça, il faut avoir une bonne relation avec ces organismes-là. Dans une commune… Et puis la présidente de l’OGEC peut avoir des informations qui ne remontent pas jusqu’à nous. C’est important aussi. Il y a les présidents d’associations: 8 ou 9 associations: cyclisme, foot, basket, marcheurs, gymnastique chinoise… On prête des locaux. Aux associations qui s’occupent des jeunes, on donne des subventions. Toutes les associations ne demandent pas de subventions, il y en a qui n’ont besoin que d’un local. Pour la gymnastique chinoise, il y a des gens de l’extérieur qui viennent…

Un peu d’histoire! Je fais partie des plus anciens de la commune. Tant du côté de mon père que du côté de ma mère. Du côté de mon père, ils sont arrivés vers 1860 – comme régisseurs d’un château. Ensuite ils ont été agriculteurs de la ferme du château… Mon grand-père a été maire, mon père a fait deux mandats. À partir du moment où on voit qu’on peut apporter quelque chose, on y va.

Parler Et puis j’ai la chance, indirectement, de par le métier que j’ai exercé, de connaître toutes les administrations: on est tributaire des administrations avec lesquelles on travaille: la DDE, la DDA, le Trésor Public, les Service des Eaux. Il faut travailler avec eux. En connaissant un peu le fonctionnement du genre de personnes qui y travaillent, on finit par savoir comment présenter les choses quand quelqu’un a quelque chose à demander. Les administrations ce sont des gens. Des règles, un territoire. L’application des textes est fonction des règles mais aussi des relations entre personnes. Il faut connaître l’état d’esprit de la personne. Il y a des gens qui sont très stricts sur l’application de la loi et des gens qui n’en ont rien à cirer et qui laissent tout aller. Il faut agir en connaissance de cause, se déplacer pour aller voir les gens. Le même qui sur un courrier va montrer de la mauvaise humeur va changer complètement s’il a la personne en face de soi, si la relation est directe. J’ai une formation technique mais j’aime les relations avec les gens. On ne dit pas les choses en face de la même façon qu’on les dit dans un courrier. Et puis un courrier ou un mail ça laisse toujours des traces. Quand on se parle directement chacun peut revenir sur ce qu’il a dit, c’est plus souple. C’est plus difficile de revenir sur une décision écrite… Après l’échange verbal vient un écrit. Le maire est un intermédiaire. La mairie, dans nos petites communes est souvent le seul point où on peut avoir des informations. Les gens qui ne savent pas à qui s’adresser viennent à la mairie. Si un jour les mairies disparaissent dans les petites communes, si tout est pris en charge par la Communauté de communes, je pense qu’on perdra un service de proximité.

Les structures 

Sur notre commune il y a un secrétaire, deux employés communaux, ça ne va pas chercher loin. Mais il y a certaines communes qui ont six personnes à la mairie et une dizaine d’employés communaux derrière. Après tu as la Communauté de communes qui se retrouve avec 10-12 personnes. La Communauté de communes demande des renseignements à la commune. Ensuite tu as le Pays, qui regroupe une dizaine de Communautés de communes et qui a aussi une structure administrative. Puis tu as le Département… Disons que pour moi il y a trop de monde. Mais ce n’est pas facile à régler. L’obligation d’une mairie, c’est une réunion mensuelle. La Communauté de communes fait à peu près cinq réunions par an. Cinq avec les Conseils communautaires et autant avec les réunions des bureaux par commissions. Chaque mairie doit présenter un élu à chaque commission de la Communauté de communes. Tout le monde est représenté. On essaie d’envoyer aux commissions les gens qui ont les compétences qui correspondent. À la Communauté de communes moi j’ai la compétence économique et la gestion des marchés publics, que je connais bien. Quand il y a des réunions, j’y vais. Je participe à des décisions qui concernent toutes les communes. On agit suivant ses compétences: un maire qui est enseignant sera plus compétent pour s’occuper de l’école… le maire ne peut pas avoir toutes les compétences, ce n’est pas possible. À l’échelle de la commune comme de la Communauté de communes, bien sûr il y a toujours des gens tordus. Et puis il y a des maires qui ont le complexe de supériorité, souvent dans les communes plus importantes, ils cherchent à imposer leurs choix à l’ensemble des communes. C’est comme dans la vie courante: il y a des gens avec qui on a des affinités, d’autres pas. Dans une Communauté de communes, toute décision doit être prise par un conseil communautaire. En fonction de son budget et de sa population chaque commune a un nombre de conseillers plus ou moins importants. Il y a des communes qui ont cinq représentants, d’autres quatre, d’autres trois… Pour contrebalancer une commune qui a cinq représentants, il faut trois ou quatre petites communes. Tout le monde, au niveau du bureau peut donner son avis. Au niveau du bureau on est dix, onze. C’est plus facile de discuter à dix, onze qu’à trente… À onze, on est tous plus ou moins compétents. C’est souvent là qu’il y a des accrochages aussi. Prenons un exemple: on a un axe routier qui peut attirer les gens. La Communauté de communes de P.a une activité assez importante. La Communauté de communes de L.a une activité importante. Celle de J., la nôtre, ces derniers temps a stagné. Alors on se dit, on va essayer de mettre de l’argent pour attirer les industriels, des commerçants, des artisans, préparer des terrains dans nos petites unités… Quelqu’un vient vous voir en disant: «Le pays me plaît. Entre Lorient et Rennes, c’est intéressant pour moi. Qu’est-ce que vous avez à me proposer?» Il ne faut pas traîner. Les gens quand ils viennent nous voir, ils ont une idée en tête qu’ils veulent concrétiser. La Communauté de communes a un responsable qui s’occupe de ça. Il faut quelque chose de concret. Les gens réfléchissent mieux. Si tu dis «Là on pourrait faire quelque chose mais…», ce n’est pas la même chose que si tu peux dire, «j’ai un terrain, ou un ensemble de terrains, à la sortie de la ville, près de la quatre voies…»

À échelle plus large Je participe à des forums, des réunions, à Paris et ailleurs. La Communauté de communes est représentée par une personne, c’est ça l’avantage des Communautés de communes: la mise en commun des moyens. Disons que quelqu’un qui représente 12 000 ou 15 000 personnes, avec une superficie de 10 000 ou 20 000 ha, peut faire poids. Et le budget d’une Communauté de communes est tout de même beaucoup plus important que celui d’une commune. Les Salons, c’est la mise en relation entre les moyens et les demandeurs. Il y a des gens qui viennent voir. Une société assez importante qui est établie dans un coin. Elle se dit, je vais aller chercher mes produits de sous-traitance… ça peut grossir, c’est souvent comme ça. Il y a une Gazette des maires. Une assemblée des maires au niveau du département, de la région, puis au niveau national. Tous les ans il y a un congrès. Je vais régulièrement à l’assemblée des maires du département. Mais à l’échelle nationale, je n’y suis jamais allé. C’est toujours en semaine, ça dure trois jours, à Paris. Il y a les grands dirigeants. En général c’est un sénateur, pas forcément d’une grande ville, qui est président des maires de France. Les sénateurs sont élus par les maires, les conseillers généraux, les grands électeurs. Ils sont les porte-parole des maires. Alors qu’un député, il est élu par tout le monde. Il n’a pas les mêmes relations avec la mairie. Même si les particuliers vont trouver le député. J’ai de très bonnes relations avec le député et avec le sénateur. Souvent dans les grosses communes, quand il y a un problème, souvent on va voir le député qui a souvent une structure de secrétariat plus importante que celle du sénateur. On a deux sénateurs dans notre canton: un sénateur de droite et un sénateur de gauche. Et le président du département est aussi sénateur. Lui il est centriste. Mais c’est plus une question de compétences que d’idées politiques. Ça reflète assez bien le département, qui a été un département de droite, tendance centriste modérée. Dans d’autres départements on est moins modéré.

Conseil municipal.

On est à la campagne. Donc, quand il y a un problème – d’accès pour une maison, de flotte, d’électricité… – en général, sauf incompatibilité d’humeur, en général, les gens vont trouver le conseiller municipal et disent «J’ai un problème. Est-ce que tu peux me régler ça ou est-ce qu’il faut que j’aille en parler au maire?» Le maire propose des choses. Mais il ne peut rien décider d’important sans l’aval du conseil municipal. À chaque réunion du conseil municipal tu as 10, 12, 13, 14 propositions à faire. Le maire agit après la décision du conseil municipal. Tu as des maires autoritaires, mais en général, les conseillers municipaux donnent leur avis. Et l’avantage est que, quand on a discuté en réunion du conseil, l’électeur lambda interroge ceux qui y ont assisté… Dans une municipalité si on veut s’occuper d’une chose en particulier, c’est bien d’être adjoint. On ne dit pas adjoint, on dit «maire adjoint». L’adjoint a la possibilité de signature. Il a une délégation de pouvoir. Par exemple, tu as un mandat à signer, il peut le faire. On fait des réunions régulières à trois ou quatre. Il y a intérêt à s’entendre avec les adjoints. Récemment j’ai eu un problème: un adjoint qui est passé à l’opposition. Je lui ai enlevé ses délégations. N’ayant plus de délégation, il n’a plus le droit de signer. Il reste adjoint parce qu’il a été élu, on ne peut pas lui enlever son poste. À partir du moment où la personne est élue, la seule solution est que la Préfecture, ou le Ministère de l’Intérieur déclare la dissolution du conseil municipal. On ne peut même pas faire démissionner un maire – la preuve, c’est qu’on n’a pas réussi à me faire démissionner: il faut dissoudre le conseil municipal. Donc le maire peut dire à l’adjoint: «tu restes, tu as été élu, mais tu n’auras plus aucune délégation.» La petite indemnité qui compense les frais de déplacement et tout ça du coup est sucrée – 300, 400 euros, avec les deux réunions par mois qu’on a, les déplacements, on fait facilement des kilomètres, et ça fait des frais… Nous, dans la commune, on est 840: moins de mille. L’indemnité du maire tourne autour de 1000 euros. Au-dessus de 1000 et en dessous de 2500, ça fait à peu près 1500 euros. Ce n’est pas énorme. Moi j’ai essayé dans ma liste d’avoir des gens de toutes les couches sociales. On a tendance à diminuer le nombre des cultivateurs parce qu’à un moment il n’y avait plus que des cultivateurs à la mairie. L’agroalimentaire… les milieux agricoles… ça peut être des ouvriers. J’ai l’entreprise agricole, une assistante sociale, un type qui avait une entreprise de typographie qu’il a vendue, maintenant il est moniteur de formateurs dans un centre de formation, une aide-soignante, des retraités qui étaient assistants médicaux à la médecine du travail, un inspecteur technique: de façon qu’on ait une large vue sur les problèmes qui peuvent se présenter.

La terre. La commune, ce sont quand même des agriculteurs. Qui n’ont qu’une seule vue des choses. Même s’ils se sont beaucoup ouverts. À part un, qui est vraiment un cas, les autres sont devenus très très stricts sur les produits phytosanitaires. Les agriculteurs sont certainement beaucoup plus stricts que les jardiniers du dimanche. Quand ils épandent du lisier, ils font très très attention aux autorisations qu’ils ont. La terre est capable d’absorber un certain nombre de choses. Si tu lui en mets le double la moitié va partir dans l’eau, polluer les ruisseaux. Mais si tu respectes bien en faisant attention… Si tu épands du lisier et que tu sais qu’on va avoir de la pluie le lendemain, ce n’est pas la peine. Il y en a qui font attention. Par bon sens, sans parler des autorisations. Et il y en a d’autres qui vont dire: «J’ai 15 ha, je peux épandre sur l’ensemble mais c’est trop loin, je vais en mettre le double sur les terrains les plus proches, ce sera pareil… Il y a toujours quelqu’un qui ne va pas respecter les règles et qui va polluer. Je sais de qui je parle. Ça ne l’empêchera pas de se représenter, d’ailleurs. Sur la commune il y a beaucoup de sources. On puisait de l’eau dans les puits, et maintenant il y a les normes européennes. On ne doit pas dépasser un certain taux de nitrates. Un voisin se bagarre avec un autre, qui a un élevage de porcs assez important. Puis ils s’arrangent et il lui permet d’exploiter des terrains dont il est propriétaire. Un peu plus tard il fait analyser sa flotte. Et il s’aperçoit que de 25mg de nitrates il est passé à 100: l’autre a fait n’importe quoi sur son terrain. Moi en tant que maire, je ne peux rien n’y faire: ce ne sont pas des eaux destinées à la consommation collective. Le premier dit, «c’est simple, je reprends mes terrains et je les plante.» L’autre n’est pas content, il vient à la mairie… Il y a des voyous partout. Il y a des chefs d’entreprise qui sont des voyous, il y a des agriculteurs qui sont des voyous – tout ça pour des questions d’argent. Je peux dire que sur ma commune, les éleveurs de porcs ont beaucoup d’argent. Même s’ils pleurent: régulièrement ils pleurent parce qu’ils ne gagnent pas assez d’argent… puis ça va repart. Et avec leur argent, ils dominent. 

L’argent. Il y a des gens qui n’ont pas d’argent. Ça se voit moins à la campagne, mais il y en a. Même s’il y a l’aide sociale. Il y a des gens qui n’ont jamais été salariés. La chance qui reste ici c’est qu’ils ont en général leur petite maison d’habitation. Il n’y a pas grand confort mais il y a leur jardin. Le patrimoine qui leur permet de rester, quoi. À la mairie on découvre qu’il y a des gens qui demandent l’aide sociale parce qu’ils n’ont pas de retraite mais ils ont un million d’euros de placé… On a une vue de proximité sur les gens qui nous permet de dire ce qui nous surprend ou d’insister pour que quelqu’un qui ne fait pas la demande auprès du CCAS ait quand même un dossier, qu’on le fasse pour elle ou pour lui – pour que ça l’aide à vivre un petit peu mieux. Il y a des gens qui ont moins de 500 euros par mois – des gens qui ont été agriculteurs toute leur vie, mais qui n’ont jamais cotisé… et parfois quand ils reçoivent le minimum social, ils n’ont jamais eu autant d’argent. Ce n’est pas la ville – le petit appartement, les transports, le supermarché… C’est moins voyant mais quelquefois ça peut être aussi dramatique. Les gens de la campagne ne vont pas venir pleurer. Les choses commencent à évoluer. Mais les gens qui ont 70 ans maintenant ne sont pas du genre à se plaindre. Il faut s’occuper d’eux…

Les commerces. Il y a quand même, grâce aux associations, une vie de village. On essaie de maintenir l’état des commerces. On avait un boulanger, un restaurant, la presse, bon, bien sûr, c’était regroupé. Quelqu’un pouvait arriver à six heures du soir et acheter une baguette de pain et le journal. Et là, le boulanger est tombé malade… le bar à côté a fait dépôt de pain… On va essayer de régler le problème. On peut avoir des aides pour la création d’un magasin – à condition que ce soit un commerce multiservice. Si tu veux avoir une subvention pour un bistrot, on te dira, on peut vivre sans bistrot. On ne sait pas s’il va revenir ou pas le boulanger, mais on prépare un dossier: un dossier pour épicerie-boulangerie. Ce sont des éléments de base. Qui jouent dans la vie quotidienne. On peut avoir des subventions relativement importantes. La mairie peut racheter l’ancienne boulangerie, la réaménager, la relouer, puis la revendre à la personne qui veut s’installer. Le gars qui loue, il peut partir quand il veut. L’installer pour qu’il puisse avoir des plans, aller à la banque… racheter l’ensemble: c’est ça l’intérêt. Le problème c’est que les démarches sont relativement longues. Il faut que la mairie demande à la Chambre des métiers, envoie son dossier à la Communauté de communes, qui l’envoie au Département, qui l’envoie à la Région… c’est l’histoire du millefeuille. Tu as toutes ces étapes administratives à franchir. Tu ne peux commencer les travaux que quand tu as les accords de subvention. Quelquefois les gens ne comprennent pas que ça ne démarre pas. Quelquefois tu as un accord verbal mais tu n’as pas reçu l’accord écrit, il peut toujours y avoir un dysfonctionnement… Le premier secrétaire de mairie que j’avais quand je suis arrivé, qui est parti en retraite, ne connaissait pas trop tout ça. Maintenant avec Internet, on envoie, on reçoit, on relance. C’est pour ça qu’en passant tous les jours tu peux dire «au fait, est-ce que tu as pris un rendez-vous? Est-ce que tu as une réponse?… »

Compétences. Parfois je coupe: quand je pars en vacances. Tu demandes à tes adjoints de passer régulièrement. Et s’il y a un problème, on t’appelle. L’avantage d’une grosse ville c’est qu’ils ont en général un premier adjoint qui est aussi compétent que le maire. Et dans une très grosse ville, tu vas avoir un maire président de la Communauté de communes, ou sénateur. Il y a beaucoup plus d’activité, l’adjoint aux affaires économiques et juridiques est du métier. Il peut prendre les décisions. C’est un autre fonctionnement. C’est plus lourd parce que tu gères plus d’argent. Les décisions sont de plus grande importance. Mais tu as beaucoup de services techniques pour encadrer. L’ennui des petites communes c’est qu’on n’a pas de service technique. Dans une ville, ils ont des ingénieurs pour tel ou tel problème. Il n’y a plus que les affaires générales qui arrivent au maire. Dans les petites communes, tu n’as pas de structures. Mais ça a son charme.

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