Ce site est consacré à des descriptions de travail. Le travail avec lequel on gagne sa vie, ou une autre forme de travail, parce qu’on n’a pas forcément de travail rémunéré – on l’a perdu, on a choisi de ne pas en avoir, on fait autrement...

Les descriptions sont nées de deux façons: soit leurs auteurs ont entendu parler du projet et m’ont envoyé un texte, soit je me suis rendue moi-même auprès d’eux pour solliciter leur contribution.

Je laisse parler la personne aussi longtemps qu’elle le souhaite. J’essaie de me taire. J’enregistre. Je transcris ensuite ses propos. Je lui remets le texte écrit et nous en discutons jusqu’à trouver la forme sous laquelle il apparaît sur ce site.

Ma position n’est pas celle d’un sociologue ou d’un journaliste: je n’étudie pas, je ne cherche pas la chose intéressante, je ne synthétise pas – j’écoute et je transcris en restant au plus près des propos tenus.

Christine Lapostolle

J’écris depuis longtemps. Des livres qui se situent entre témoignage et fiction – des rêveries qui prolongent le spectacle de la vie. Le spectacle vu de l’intérieur, forcément. Le spectacle dans lequel nous sommes tous bon an, mal an, impliqués.

Dans l’école d’art où j’enseigne, je m’occupe du matériau langage, j’incite les autres à écrire, à faire attention aux mots... Les écoles d’art sont des lieux où l’on peut prendre le temps de la rencontre, des lieux où l’on ne se lasse pas de chercher comment transmettre, comment regarder, comment se parler, comment faire...

Ce site est un troisième pan de ce que je cherche avec l’écriture; ici l’expression de ceux qui participent et la mienne se rejoignent, je prête ma plume à des gens qui à travers leur parole mettent à disposition leur expérience.

Le blog que j’ai tenu sous forme d’almanach tout au long de l’année 2008 est consultable ici.

J’ai aussi travaillé en duo avec Karine Lebrun à l’élaboration du site 13 mots dont l’initiative et la forme lui reviennent.

Remerciements et contact

Je remercie tous les auteurs de descriptions ainsi que ceux qui ont contribué à la réalisation de ce site et ceux qui le fréquentent.

Le design de ce site a été réalisé par Gwenaël Fradin, Alice Jauneau et David Vallance en hiver 2018.

Si vous souhaitez, vous pouvez me contacter ici ou vous inscrire à la newsletter pour être averti de la sortie de nouvelles descriptions.

Tri par:
Date
Métier
Rebecca, directrice des ressources humaines 15.09.2022
On est ici dans une entreprise de logement social – chez un bailleur social qui fait partie des plus gros bailleurs sociaux en Île-de-France – …
Liza et Michel, kiosquiers 04.02.2022
On ouvre à 9h. Dans d'autres kiosques c'est 6h du matin, ça dépend des quartiers. C'est nous qui décidons des horaires. Il y a des kiosques où …
Pascal, doreur 28.08.2021
Un métier de doreur c’est assez varié. À l’origine c’était uniquement doreur sur livres: titrage, décor des reliures. Et puis on en est venu, au …
Pascale, marathonienne 12.07.2021
Je suis enseignante dans le primaire. Je fais de la formation auprès des enseignants. Je me déplace dans les écoles. Comme j’ai un peu …
Violaine, épicière, équicière 01.02.2021
C’est une épicerie familiale qui était tenue par Angèle jusqu’à ses 85 ans. Ses parents l’avaient tenue avant elle. Quand elle est décédée, ses …
Éric, garagiste 22.12.2020
Le garage a ouvert en mars 2018. J’ai réussi à me salarier en août. Les gens réparent eux-mêmes leur véhicule et je les accompagne. Ce n’est pas …
Éric, artiste 04.05.2020
Je suis artiste et enseignant. Enseignant dans une école d’architecture. Artiste plasticien. Mon temps de travail, si on ne parle que de …
Yoann, futur ex-directeur culturel 14.04.2020
J’ai commencé à travailler pour cette structure il y a 17 ans. J’étais assez jeune, j’avais 23 ans. J’avais collaboré auparavant avec un …
Philippe, rentier homme de ménage 10.02.2020
J’exerce une curieuse profession, dont je serais bien incapable de donner le nom. Elle a un côté chic, puisque je suis propriétaire de trois …
F., Masseur bien-être 22.10.2019
Le nom du métier c’est «masseur bien-être». Il s’agit de massages à visée non thérapeutique. Le terme de thérapeutique est réservé aux …
Zéti, au marché et aux fourneaux 02.03.2019
Je travaille en tant que commerçante. Petite revendeuse pour commencer. Dans le coin. Je vends des bijoux. Des perles significatives, parce que …
Line, libraire 06.01.2019
Être libraire, c’est avoir un dos solide pour transporter les colis, tous les matins, avoir un bon cutter pour les ouvrir, les ouvrir avec …
Thomas, marin pêcheur 04.04.2016
Mon parcours. Je suis juriste de formation. Je viens d’une famille de marins. Mon père, mes grands-parents, mes arrières-grands-parents, ça …
P.L., président d’université 02.09.2015
Comment on devient président d’une université? Dès que tu entres à l’université comme enseignant-chercheur, tu consacres une partie de ton temps …
Js, maçon par intermittence 14.12.2014
Je me pose beaucoup de questions sur le monde du travail , sur ce que j’y cherche, ce que j’y trouve, sur ce qui me donnerait un peu de joie. Ça …
D., directrice d’école d’art 03.06.2014
Je n’ai pas toujours été directrice d’école d’art. Il y a des directeurs qui ont été prof. Artistes, de moins en moins, il doit en rester un ou …
Barbara, scénariste 08.02.2014
J’écris des films et des séries pour la télévision . Au fond, j’entre dans la maison des gens pour leur raconter une histoire. Pour moi, dans …
P., médecin spécialisée VIH 11.11.2013
Le métier de médecin, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. Même si j’ai autrefois pensé à faire de l’ethnologie – c’était plus …
Julie, hôtesse de l’air 02.08.2013
Mon premier vol. C’était en décembre, il y a presque douze ans. Je travaillais pour la compagnie Star Airlines . Nous étions une centaine de …
Arthur, vie extérieure 17.06.2013
Je ne dirais pas travail. Pas occupation. Je dirais que je n’ai pas d’occupation. Mais beaucoup de... de préoccupations. C’est avant …
Michel, psychanalyste 21.02.2013
Préambule. Longtemps, j’ai eu quelques difficultés pour répondre à la sempiternelle question: – Vous êtes psychanalyste, quel métier …
Annie, chercheur(e) 16.09.2012
Chercheur(e) – Je n’arrive pas encore à habituer mon œil à ce (e). Bien que, dans mon métier et dans ma vie, je revendique ce qu’il signifie: …
Benoit, pianiste 26.05.2011
Ça va faire dix ans cet été. Je vivais au Havre. J’étais marié, j’avais deux enfants, ils avaient sept et dix ans et on a acheté une maison ici, …
Françoise, houspilleuse locale 17.02.2011
Depuis que je ne travaille plus au journal , évidemment mes journées sont moins structurées qu’auparavant. Apparemment. Ce qu’il y a de …
Jean, maire 21.11.2010
Au quotidien, dans une petite commune comme la nôtre,  on a la chance d’avoir  un secrétariat de mairie ouvert six jours sur …
Mathilde, institutrice 19.08.2010
Travailler avec des petits Depuis quelques années, je fais classe toujours au même niveau: à des CE1, qui ont 7 ans. C’est un âge que j’aime …
M et L, facteurs 20.03.2010
Devenir facteur J’ai donné la parole à deux facteurs de mon village qui ont souhaité participer ensemble à la conversation. M. est toujours en …
Jean-Yves, éleveur de chèvres 06.02.2010
Les chèvres , je vais les voir plusieurs fois par jour, je suis obligé. Parce que des fois elles se sauvent malgré la clôture. J’ai 22 chèvres …
Marylou, auxiliaire de vie 17.12.2009
C’est très  difficile à raconter . Je fais des gardes de nuit à domicile. Je dors chez les personnes. Ce sont des personnes qui ne peuvent …
Sylvie, chanteuse russe 24.08.2009
J’aimais beaucoup les  contes russes  quand j’étais petite, mais comme il n’y avait pas de russe à l’école, je n’ai pas eu l’occasion …
Marijka, cinéaste 14.05.2009
Mon travail consiste à imaginer des histoires et à les réaliser en images et en sons. Il y a plusieurs temps très différents dans ma vie …
Jean, professeur de philosophie 30.01.2009
J’enseigne dans un lycée, à Montpellier. J’ai 43 ans et 14 années d’enseignement. Travail Il s’agit de  donner des instruments de travail …
L’activité de kinésithérapeute 20.08.2008
Le centre est un établissement privé, de 80 lits dits «de suites et de rééducation». Il fonctionne avec un prix de journée assez bas par rapport …
Les tourments d’une lycéenne 07.07.2008
De la difficulté de s’orienter… des couloirs du lycée au couloir de la faculté. Paris, premier septembre 2006: C’est la rentrée des classes, …
Martine, muséographe 17.03.2008
Mon métier c’est  exposer . Une histoire, une collection, un morceau de territoire, un thème, même. Je m’occupe des contenus d’une …
Éric, potier 15.01.2008
(Nous habitons le même village, nous nous voyons presque tous les jours. Nous nous sommes servis d’un magnétophone…) C’est un travail qui …
Je travaille dans une chaîne de cafés 03.10.2007
Recherche de la définition d’une «non-situation» (pour qu’elle en devienne une) d’une étudiante en philosophie, étrangère, qui travaille dans …
Christine, prof d’histoire de l’Art 20.06.2007
Tentative de description de la situation de professeur d’histoire de l’art dans une école des Beaux-Arts J’enseigne dans une école des …
Un quotidien 13.03.2007
J’ai deux métiers!! Par chance(?), je travaille à la maison. Le matin, après avoir conduit mon époux au travail, j’allume mon ordinateur …
Virginie, graphiste 02.11.2006
Je suis  graphiste – je fais aussi de la direction artistique. J’ai 39 ans. Je vis à Paris. Je travaille depuis 1991, soit 15 ans.  …
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Sylvie, chanteuse russe24.08.2009

J’aimais beaucoup les contes russes quand j’étais petite, mais comme il n’y avait pas de russe à l’école, je n’ai pas eu l’occasion d’apprendre le russe. 

Quand j’ai terminé mes études d’allemand en fac, je me suis inscrite en même temps au Conservatoire de musique. J’adorais la musique russe. En fait je voulais apprendre le russe pour pouvoir chanter l’opéra russe, la musique russe en général. Donc je me suis inscrite en fac de russe à Nancy – c’était en 83, quelque chose comme ça. J’ai fait des études d’allemand et puis j’ai fait une licence de russe à Nancy et mes études de chant au Conservatoire. 

En 88 j’avais fait une demande de bourse par le Ministère des Affaires étrangères, et je suis partie à Leningrad pour 6 mois: à l’Université de Leningrad. J’étais sur l’île Vassilevski, à côté de la Kunstkamera. Il y avait des cours pour étudiants étrangers. Et puis il y avait un club de chant pour les étudiants, avec un prof de chant. Comme je n’avais pas terminé mes études à Nancy, comme je n’avais pas passé mon diplôme, il fallait que je travaille, que je m’exerce. J’ai pris des cours avec cette personne qui m’a fait découvrir des méthodes d’enseignement du chant, vraiment elle m’a appris beaucoup. Et elle m’a dit «dans quelques années on ouvrira une section pour les étudiants étrangers au Conservatoire de Leningrad». Elle était étudiante au Conservatoire à ce moment-là, son mari était prof au Conservatoire. 

Je suis rentrée en France après ce stage, j’ai terminé mes études de russe. Et je suis repartie pour m’inscrire au Conservatoire de Saint-Pétersbourg – c’était encore Leningrad. Jusqu’en 92 c’était Leningrad, je suis arrivée en 91. À ce moment-là il y avait des queues, il n’y avait rien dans les magasins, ce n’était pas facile. Mais c’était tellement passionnant, l’enseignement du chant! J’ai appris tellement de choses. 

Et puis on m’a demandé en même temps de travailler comme prof. Je parlais russe. On m’a demandé de donner des cours de français dans une école, au Conservatoire. Je prenais des cours et j’en donnais ailleurs. J’étais vraiment très occupée. Parce que le Conservatoire en Russie, c’est comme l’Université; ce n’est pas deux ou trois cours par semaine. C’est vraiment intensif. Il y avait des cours pour étrangers mais moi je suivais les cours avec les Russes, je trouvais ça plus intéressant. Ça a duré cinq ans. 

Après on a fait appel à moi dans les théâtres. Jusqu’à cette époque, les œuvres françaises étaient chantées en russe. C’est le moment où on a commencé à les chanter dans la langue originale. Alors je suis allée à Perm avec Larissa Gergueieva – Perm, c’est une ville de Sibérie, au sud de l’Oural. Elle m’a invitée à travailler deux mois là-bas, pour monter Samson et Dalila en français. Travailler avec les chanteurs pendant deux mois. 

Ensuite j’ai donné des cours au théâtre Marinski quand ils ont commencé à monter Carmen, en 96. Je faisais travailler la diction. J’ai adoré ça. À tel point que je ne voulais plus repartir. Je voulais absolument trouver un travail en Russie. 

Je suis quand même rentrée en France mais je n’ai pas trouvé de travail qui me plaise. J’ai corrigé des éditions, j’ai travaillé pour des entreprises. Ça ne me plaisait pas. 

Et puis on m’a rappelé du Conservatoire. C’était Serge Stadler qui dirigeait le théâtre du Conservatoire à l’époque. Il a monté Les Troyens de Berlioz, et là il m’a demandé de travailler avec eux pendant deux ans – pendant un an sur ce spectacle, puis donner des cours réguliers aux chanteurs. Puis, en 98, c’est le théâtre Marinski qui m’a demandé – l’Académie des Jeunes Solistes s’est créée. J’ai eu un poste. Mais j’étais très mal payée. Donc j’ai donné des cours en plus, comme tout le monde. Tout le monde est très mal payé en Russie. J’étais payée un salaire russe. Qui correspondait à peu près à même pas 100 euros. 

En 2000 j’ai commencé à travailler à l’Académie des Jeunes Solistes créée par Larissa Guergueieva, qui est la sœur de Valeri Guerguiev, chef d’orchestre principal du théâtre Marinski, anciennement Kirov. 

J’ai donné des cours de phonétique du français – cours en groupes et cours individuels, afin de travailler sur la diction du répertoire français, répertoire lyrique et mélodies. Voilà. Mais ça ne me permettait pas de vivre. Je donnais quelques cours particuliers, ça ne suffisait pas. 

J’ai laissé mon CV à l’Institut français qui m’a rappelé en me disant qu’ils créaient un poste à l’Académie Polaire*. Et c’est comme cela qu’en 2002, j’ai commencé à donner des cours à l’Académie Polaire. Conversation française au départ. Il fallait surtout les faire parler. Car ce sont des élèves très timides. On leur apprend beaucoup de choses mais on ne les fait pas tellement parler. Moi j’étais chargée de les faire discuter pour que leur français s’améliore. J’enseignais aussi un petit peu l’histoire de l’art, l’ancien français. 

J’ai été très bien accueillie par les étudiants. C’était la première fois qu’ils travaillaient avec quelqu’un qui venait vraiment de France. Tout de suite très très bien accueillie. Ils venaient des Républiques lointaines, des Républiques un petit peu exotiques pour nous. C’est un contact vraiment intéressant. Je leur posais des questions. Ils me racontaient en français comment ils étaient venus à l’Académie Polaire. C’est organisé de telle manière qu’il y a des concours dans les villes, les villes lointaines, pour l’Académie Polaire. Dans chaque république, chaque année. 

On a beaucoup de départements à l’Académie Polaire, on a une fac d’écologie, qui est une fac très poussée. Moi je faisais cours aux philologues, ceux qui étudient d’abord le français. Mais j’ai donné aussi un peu de cours de français des affaires pour ceux du département d’administration. Une initiation au français. 

À l’Académie polaire, à cause du soutien que la France a apporté à la fondation de l’Académie, l’apprentissage de la langue française est obligatoire. 

Organisation. Vingt heures par semaine au Marinski, 10 heures la première année puis 20 heures à l’Académie Polaire. 

Ça fait quand même des journées très longues. Là je travaille un peu moins au théâtre Marinski. Je me suis arrangée un emploi du temps assez facile. Souvent au théâtre, les cours sont le soir, jusqu’à 11 heures du soir. Mon horaire varie d’un jour à l’autre en fonction de l’emploi du temps des chanteurs. On décide chaque jour pour le lendemain. Je m’arrange pour ne pas avoir cours trop tôt le matin. 

Ma pratique du chant. Mon chant je ne le travaille pas beaucoup en Russie. J’ai un professeur, le même depuis le début. Elle est au Conservatoire, elle est vraiment excellente. Quand je prépare un concert, je prends quelques cours avec elle. Mais c’est vrai qu’il faudrait que je travaille régulièrement, tous les jours. Je travaille plus facilement mon chant quand je suis en France. 

En France je fais des choses tout à fait différentes. J’y passe quatre mois par an, un mois d’hiver, trois mois d’été. Comme les vacations administratives que je fais à l’Académie polaire ne me permettent pas d’avoir la Sécurité sociale, j’ai la chance d’avoir un travail en France. Dans une association de sauvegarde du patrimoine local: la Saône lorraine. Je m’occupe d’un musée. Je fais les visites guidées, je m’occupe de l’entretien du musée, j’accueille les touristes. Un musée que j’ai mis sur pieds avec une équipe formidable de passionnés du XVIe siècle, près de Châtillon-sur-Saône. Dans un village du XVIe siècle dont la plupart des maisons sont classées monuments historiques. Grâce à notre association. Car si l’association n’avait pas existé, actuellement il ne resterait rien à Châtillon-sur-Saône. Les antiquaires, il y a vingt ou trente ans, rachetaient les vieilles maisons Renaissance et revendaient tout pierre par pierre. Si l’association n’avait pas fait classer les maisons, il n’y aurait plus de village. 

170 habitants: c’est un petit village. Dans tout le centre il n’y a que des maisons Renaissance. On a créé un musée, mi-historique, mi-éco-musée. C’était la maison du cordonnier. On a commencé par faire un petit musée de la cordonnerie. Le président de l’association est professeur, on a fait un musée de l’École: l’école au XVIIIe siècle, au XIXe. Ensuite on s’est étendus plus largement à la vie entre le XVIème et le XIXe siècles. 

Quand je ne suis pas là, le musée est fermé. 

On est deux à s’en occuper. On est payées par l’association. Il y a aussi un grenier à sel – là c’est le salon de thé. Il y a une autre personne qui s’occupe du salon de thé. 

Deux vies. Ce sont deux vies complètement différentes. Je chante beaucoup de musique russe en France. J’ai enregistré un CD de musique russe qui est en vente au syndicat d’initiative de Montureux-sur-Saône: un CD de romances russes, avec la collaboration d’un pianiste vosgien et de la chorale de Darney. 

Je travaille beaucoup avec l’association de sauvegarde du patrimoine. Je suis en relation avec les Syndicats d’initiative de la région – Bourbonne, Contrexeville, Vittel, Bain les Bains. Je connais bien les directeurs d’office de tourisme. C’est facile pour moi d’organiser des concerts. Et j’organise quelquefois des tournées pour mes amis russes – une petite troupe de quatre chanteurs, tous les deux ans j’organise une tournée. On est deux sopranos, il y a un baryton, un mezzo-soprano. 

C’est prévu que je fonde une chorale à l’Académie Polaire. On va travailler un petit peu et je vais faire venir la chorale de l’Académie Polaire en France pour une tournée. Je ne sais pas si j’aurai des subventions. Je verrai comment je m’y prends. Je vais faire un programme spécial: musique russe et musique française. J’organise les concerts à distance avec l’aide de mes amis de l’association. 

Avant je donnais beaucoup de concerts de musique française en Russie, quand j’étais étudiante. Je faisais partie d’une association qui s’appelait «La lyre française» – acteurs, chanteurs, musiciens. On donnait des concerts une fois par mois. 

J’ai continué à travailler avec un orchestre folklorique russe en tant que chanteuse. Et puis faute de crédits – avec la chute du Système, tous ces petits orchestres n’ont plus eu de crédits, n’ont pas pu continuer leurs activités, il n’y avait plus de local… C’est sûr que pour les petits orchestres en Russie aujourd’hui c’est plus difficile. 

Vie matérielle. Si j’avais autant d’argent que je voulais? Je continuerais à travailler dans l’association, mais comme bénévole. Je donnerais un coup de main au musée. 

Dans un sens j’aimerais faire moins de cours. D’un autre côté j’aurais du mal à abandonner l’un ou l’autre tellement ça me passionne. Mais c’est lourd tout de même. Ça me pèse parfois. Là on vient seulement de me signer mon contrat avec plus de deux mois de retard. À l’Institut français, c’est autre chose: le trésorier a changé, il faut qu’il se remette au courant. J’attends mon salaire depuis deux mois aussi. C’est vrai que c’est pesant, ces lourdeurs administratives. Du côté de l’Institut français, je réclame une fois et puis c’est fait, mais du côté du théâtre il faudrait toujours faire des courbettes, je ne peux pas. Je n’en fais pas, on m’oublie. J’ai horreur de ça. Je suis assez timide. Une amie est allée pousser un coup de gueule pour moi, eh bien ça a marché! 

Il y a une grande solidarité ici. Parmi les gens que je connais en Russie, on ne me laisserait pas tomber. Entre profs on s’entr’aide. Je ne peux pas donner un cours, quelqu’un le donne à ma place, et vice versa. On peut se remplacer mutuellement entre professeurs, on se dépanne. 

Au niveau des programmes il y a une petite trame mais sinon je fais ce que je veux. J’ai certaines matières à enseigner et dans ces matières je m’organise comme je veux. 

Pas de temps pour faire autre chose. Oui, je fais chanter les étudiants dans une chorale. Pour l’instant je ne fais que des mélodies françaises. Eux ils aimeraient des chanteurs modernes, moi je suis chef de chœur classique! Je cherche des chansons classiques: Jacques Brel, Le Pont Mirabeau… Avec le rock et le rap, j’ai du mal. Je crois que je serais incapable de les faire chanter cela. Ce n’est pas que je n’aime pas, c’est que je suis incapable de les faire travailler cela. 

Le matin, je suis à l’Académie Polaire, l’après-midi et le soir je suis plutôt au théâtre. Le soir si je n’ai pas de cours et que je ne suis pas trop fatiguée, je vais voir un spectacle. 

Il y a des étudiants de l’Académie Polaire qui aimeraient bien venir au Marinski, mais ça coûte cher, je ne peux pas faire entrer tout le monde. 

J’ai un pianiste à l’Académie Polaire – Arseni – il m’a déjà accompagné, j’ai un guitariste – Dima. Il y a deux ans on avait fait un très bon groupe. 

Les musiques des Régions, non, je ne pourrais pas les chanter. Ce sont des voix un peu particulières, qui se rapportent plus à la musique chinoise. C’est très joli. Chaque année on fait un concert, il y en a qui font une danse, une chanson touvinienne, une danse de Khatanga… 

Je me suis sentie beaucoup mieux adaptée dans la société russe que dans la société française parce que tout le monde travaille comme ça. J’aurais eu du mal à n’avoir qu’un travail. Généralement les gens qui ont terminé ce que j’ai fait comme études, des études de chant, travaillent à l’Opéra. Ou bien au niveau des langues ils sont dans l’entreprise. 

Travailler dans une entreprise qui fait des affaires avec la Russie, je l’ai fait mais ce n’est pas mon truc. 

Choix. Les chœurs d’opéra, peut-être que j’aurais bien aimé, mais je ne regrette pas. 

Je ne pensais pas être prof au moment où j’ai terminé mes études. Je ne savais pas ce que je voulais faire. J’ai tâtonné. J’ai travaillé dans des entreprises, j’ai fait un peu de secrétariat. J’ai travaillé dans cette association touristique, et ça ça m’a plu. J’ai été un peu au chômage aussi. Petit à petit ça s’est mis en place. J’ai 50 ans. Presque! 

Si ce poste ne s’était pas créé à l’Académie Polaire, je pense que je serais rentrée en France, parce que je n’avais pas les moyens de subsister. Là je suis payée par la France, c’est quatre fois un salaire russe. 

Je suis d’une nature assez timide. Mais le chant m’a vraiment transformée. Le fait d’enseigner ne me dérange pas. Au contraire. Je me suis rendu compte qu’il y avait des tas de choses intéressantes à faire avec les élèves. J’aimerais avoir plus de temps à consacrer à des recherches pour les cours, ça c’est vrai, je n’ai pas toujours le temps e le faire. 

Il y a ce climat de Saint-Pétersbourg, ces jours noirs qui font qu’on est quand même assez fatigués en hiver, et que quand j’ai un moment entre deux cours, souvent je m’arrange pour dormir un peu! 

  • L’Académie polaire de Saint-Pétersbourg est un établissement d’enseignement supérieur destiné à la formation des cadres des Peuples du Nord et de l’Est de la confédération des états russes.

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